Passant havanais : Si pour votre travail quotidien vous devez passer par La Acera del Louvre (Le trottoir du Louvre) décrit ici, allez jusqu'à un de ses murs. Là vous verrez, taillés dans le bronze, QUARANTE noms de jeunes assidus à ce lieu qui ont rempli leur devoir avec la Patrie et avec Maceo. Le maquis a été leur tombe.
C’est le meilleur démenti qui peut être donnés à ceux qui, pendant la pseudo république, essayaient de calomnier cette pléiade d'hommes, supérieure à deux cent, qui sont allés au rendez-vous de Martí.
Les « jeunes du Trottoir », comme ils sont connus depuis le milieu du siècle dernier, ont constitué une jeunesse native apparemment allègre et confiante, lors de cette étape prérévolutionnaire de 1895, mais qui connaissaient et partageaient les idéals séparatistes et possédaient un haut niveau culturel dans leur majorité.
Ce lieu a pris son nom pour le café El Louvre, situé à l’angle de la rue San Miguel. Plus tard a été construit ce qui était catalogué comme le meilleur hôtel de la capitale, « entièrement illuminé avec la lumière électrique, avec des ascenseurs, des salles de bains dans chaque chambre, un restaurant, un coiffeur et des interprètes pour toutes les langues », selon l'annonce de l'établissement appelé Hôtel Inglaterra.
Là le Général Antonio Maceo a résidé durant son séjour à La Havane en 1890, et c’est là qu’il a encouragé le mouvement révolutionnaire, en rencontrant les généraux Sanguily et Aguirre, et en faisant connaissance d’une jeunesse courageuse qui, plus tard, ferait partie de la force libératrice.
Des vastes colonnades contiguës à ce trottoir ont primitivement couvert la partie destinée à l'Hôtel Inglaterra, mais avec la construction de l'Hôtel Telégrafo, le péristyle a couvert tout le trottoir.
L’Hôtel Telégrafo a été construit et administré par doña Pilar Samoano, une femme de grande initiative et très active qui a parrainé la candidature présidentielle du général José Miguel Gómez avec son argent, offrant à ce dernier le fauteuil sur lequel il devait s’asseoir en occupant la Présidence. Depuis lors, tout aspirant à la première magistrature de la République disait qu'il souhaitait occuper « la chaise de doña Pilar ».
Entre les deux hôtels précédemment cités se trouvait le restaurant La Vizcaína et, à l'extrémité opposée, près de l’angle formé par les rues San Miguel et Neptuno, on peut encore voir sur le sol de granit l’inscription indiquant l’emplacement de la succursale de la Banque Espagnole de l'Île de Cuba, un des établissements bancaires qui a d'abord suspendu ses paiements et qui a fait faillite lors de la catastrophe économique dans les années 1920.
Lieu historique et plein de traditions, son histoire peut être divisée en deux étapes. La première, qui s'étend jusqu'à l'avènement de la République, avec ses fiacres et ses cochers, ses « affaires d'honneur », ses conspirations ; et la deuxième, avec son cireur de chaussures, ses vieux « garçons » rappelant les affaires de la guerre et les nouveaux membres du labyrinthe de la politique.
Bien que la politique n'ait pas fait beaucoup de dégât entre eux, ils mettaient toujours leur condition de « garçons du Trottoir » au-dessus de leurs divergences. Cependant, il y a eu parfois des « tiritos bobos » (coups de pistolet) comme ceux de Miguel Mariano, le fils de Tiburón, envers le commandant Armando André.
Actuellement le trottoir et les bâtiments font l'objet d'une reconstruction qui, nous l’espérons, sera la plus fidèle possible, où les murs et même la peinture résultent un reflet vivant de ce morceau de notre Havane, peut-être celui ayant le plus de tradition et de valeur historique. Où ressort le geste d'Estébanez, la chambre occupé par Maceo dans l’Inglaterra et la plaque qui garde jalousement le nom de ces jeunes qui ont su accomplir leur devoir avec la patrie quand celle-ci en a eu besoin.
Esquinas de La Habana La Acera del Louvre
Publié dans Cualquier tiempo pasado fue...
Maison d’édition Letras Cubanas, 1978.
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