Culture 2020 : Cuba cultivée, Cuba vivante


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La señora de la nube, de Lesbia Vent Dumois.

L'intellectuel cubain Roberto Fernandez Retamar expliquait il y a longtemps, avec une ingéniosité magistrale, l'utilité pour l'homme véritable, disons de l’être humain dans toute sa plénitude, d'un poème, d'une chanson ou d'une pièce de théâtre.

Alors qu’un fusil ou un poignard aurait pu nous libérer de la mort aux mains de l'ennemi..., une autre arme, née, « fabriquée », appréciée par l'esprit, nous mettait à l’abri d'un plus grand désastre, celui du vide de l'âme. Pour que l'homme abandonne les aspects les plus primitifs et affine sa vie, disait le poète, il faut toucher de ses mains la culture, une richesse incomparable sans l'influence de laquelle nous ne serions pas complets.

Il connaissait bien ces réalités, celui qui se proposa, en s’inspirant des « doctrines du Maître » [José Marti], de transformer avec la Révolution, les chemins de Cuba, sinueux et dégradants avant le triomphe de 1959. Parmi tant de choses à changer, il y eut un impératif, non moins prioritaire que les autres : éclairer le monde intérieur de ceux qui n’intéressaient personne. C'est pourquoi, d'un bout à l'autre de l'Île, il fallut, parmi les premières lumières, apprendre à lire et à écrire à tout un peuple. C'est pourquoi on mit des livres sous les yeux nouvellement « ouverts ».

Le livre, l'école, l'éducation, les campagnes menées pour étudier jusqu’à la fin de l’école primaire, puis du collège, les félicitations à ceux qui gagnaient des batailles, la réalité de tant de gens qui, auparavant n’auraient pas eu la moindre chance d'étudier, devinrent des universitaires de renom, parmi bien d'autres exemples, sont des arguments qui confirment cette phrase, jamais répétée en vain, celle de la lumière de l'enseignement – un raccourci rapide vers la culture – que la Révolution a offert à ceux qui n'auraient jamais pu, sans elle, jouir de l’accomplissement humain.

Au milieu d'un contexte très complexe de guerre secrète, Cuba dut définir le destin de sa politique culturelle. Pour son leader, conscient des agressions qui cernaient le pays, c'était une colonne essentielle. Pendant trois jours, Fidel écouta, avec une attitude de sage, les préoccupations des écrivains et des artistes, et ce n'est qu'après qu'il prononça ses mémorables Paroles aux intellectuels, aujourd'hui contenues dans un document auquel il faudrait revenir chaque fois que l'on en oublie la sève, ou que l'on cherche à savoir quel fut le souffle de la Révolution en matière de culture depuis ses débuts.

Traversées par des questions diverses – qui, compte tenu de la nature de l'espace où elles avaient lieu, furent une invitation à la réflexion collective – ; par des expressions remplies d'un échange soutenu par la confiance, par la force des arguments ; par des rires et des applaudissements spontanés, Paroles aux Intellectuels ne fut qu'un long dialogue, un modèle de ce qui allait se passer plus tard au sein des institutions culturelles déjà existantes et de celles qui seraient fondées à partir de là.

Racine et somme de cette politique, Paroles aux intellectuels fut une invitation à contribuer, à agir en faveur des autres, à briser l'ignorance et les portes fermées aux défavorisés : « Comment allez-vous participer à ce processus ? Qu'avez-vous à apporter à ce processus », s’enquit Fidel. Et ainsi, il invitait à construire de nouvelles réalités dans la « zone » émotionnelle et affective de Cuba. Il fallait former un lecteur, un spectateur, un public, et cela, depuis lors, a été et continue d'être une priorité de la Révolution.

Héritées de Fidel et de nos intellectuels les plus éminents, ce sont aujourd'hui des pratiques permanentes qui favorisent le perfectionnement continue de nos institutions, auxquelles le président cubain faisait référence lors du 9e Congrès de l'UNEAC – un exemple d'exercice démocratique qui s'est tenu après de longs mois d'échanges au niveau des comités provinciaux –, lorsqu'il affirmait que ceux-ci existaient par et pour les créateurs et non l'inverse, et exigeait, dans cette intervention plusieurs fois applaudie, que l'UNEAC soit plus proactive dans ses comités de base, et d’enquêter sur les missions que chacun remplit en fonction de ceux qu'ils représentent et quels champs de discussions ils devaient mener.

Il faisait alors allusion au miracle du pays que nous sommes devenus, palpable lorsque nous assistons naturellement à un spectacle de ballet ou de danse, de musique ou de théâtre, à des foires du livre, artisanales, à des galeries, à des « descargas » de rumba ou à des écoles d'art, et il remerciait à juste titre les pères fondateurs pour une telle merveille, suivis plus tard par Fidel, lui-même intellectuel, qui, dans les années les plus difficiles de la période spéciale, affirma, sachant que la culture constitue un fondement, que c'était la première chose à sauver.

En mars dernier, Diaz-Canel a assisté au bilan du ministère de la Culture, où il a appelé, face à un groupe important de participants, à combattre la guerre de la pensée qui nous est livrée sans relâche, et ceci, à partir des contenus de la culture, de notre histoire et de nos valeurs « avec intelligence, honnêteté et courage ». Le président a insisté sur le fait que, parmi les défis fondamentaux du ministère, figurait la recherche de progrès plus importants dans les questions posées au Congrès de l’UNEAC. Et il a rappelé la nécessité d’un suivi de nos réunions mensuelles afin de surveiller de près les questions fondamentales de la politique culturelle.

Aujourd'hui, après que le pays a vécu des mois d’inestimables exploits, face à une situation mondiale minée par un virus qui cause douleur et mort, un pays assiégé comme jamais auparavant par des mesures meurtrières, dictées par l'impérialisme yankee, visant à provoquer une explosion sociale dans l'Île, dans laquelle sont impliqués des personnes sans scrupules, le président nous met à nouveau en garde sur les raisons pour lesquelles notre culture a été attaquée.

« À Cuba, culture et Révolution sont équivalentes depuis l'origine même de la nationalité. Il suffit de se souvenir de ce 20 octobre, lorsque Perucho Figueredo écrivit les paroles de l'Hymne de Bayamo, monté sur la croupe du cheval sur lequel il s'est lancé au combat aux côtés de Céspedes. Viser la culture, la fracture de la culture cubaine, c'est viser le cœur de la Révolution cubaine, l'identité nationale. »

Le Président parle, et le peuple, qui fait l'expérience de l'extraordinaire générosité de sa Révolution, le suit. Cuba sait comment résister dans la situation la plus effrayante, parce que son histoire a été racontée, chantée, peinte et dramatisée dans l'œuvre de ses artistes. Elle sait que le châtiment impérial a le même âge que ses défis et que se lasser serait renoncer non seulement au corps, mais aussi à la spiritualité à laquelle nous sommes parvenus. Si Cuba vit, si elle est plus vivante que jamais, c'est parce qu’elle a le privilège d'avoir un tissus émotionnel qu'elle doit à sa culture.


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