Selon certains spécialistes, c’est l’imaginaire collectif qui fonde l’identité de tout un peuple. (1) Emotions, désirs ou aspirations partagées deviennent alors les croyances et les craintes, justifiées ou non, de la population. De phénomènes réels ou non, ces évènements sont racontés dans des récits qui se transmettront de génération en génération.
La superstition et les peurs sont ainsi à l’origine des fameuses légendes autour des « apparitions, des trésors et des cruches ».
Ce qui est vrai, c’est que ces légendes autour de la peur et du mal nommé « surnaturel », sont devenues au dire de nombreuses personnes, une des preuves les plus représentatives et originales du « folklore » dans la plus grande île des Antilles.
Mais ces récits du « mystère cubain » n’étaient pas relatés n’importe où et n’importe quand. Leurs narrateurs attendaient la bonne occasion, le moment où ils auraient l’audience la plus attentive et la mieux disposée à être écoutés. Ils essayaient alors de créer une ambiance propice à la peur. Par exemple la nuit et l’obscurité étaient toujours leurs alliés. Ainsi, selon Samuel Feijóo, un des plus remarquables chercheurs et divulgateurs de la mythologie cubaine, « ces manifestations de la création fantastique varient, se développent et embellissent comme des prodiges de l’affabulation populaire » (2). En voici quelques exemples les plus représentatifs…
« Avec le temps quelqu’un de la famille prit la décision de creuser et découvrit de l’argent enterré. »
Des morts qui indiquent l’endroit où sont enterrées les cruches
Il était habituel à Cuba de conserver l’argent dans des cruches et de les enterrer. Cette habitude qui remonte aux temps coloniaux, quand les banques n’existaient pas, a perduré lorsque par la suite les gens simples des zones rurales n’accordaient aucune confiance à de telles institutions. Ils ne s’y rendaient jamais parce qu’ils craignaient la fraude et que cela représentait un risque pour eux, dans la mesure où ils ne savaient ni lire ni écrire.
La course de Jean de la Croix
On raconte que la sœur de Jean de la Croix souffrait de cauchemars récurrents. Elle rêvait sans cesse qu’un mort lui donnait de l’argent. Jean décida alors d’aller le chercher à l’endroit indiqué, se présenta là-bas à minuit, intima l’ordre au mort de lui remettre l’argent qu’il offrait toujours en rêve à sa sœur. Mais au même moment, il sentit un vent fort qui fit frémir la bananeraie toute proche et soudain il ressentit la douleur intense d’une machette dans le dos. Horrifié, il se mit à courir sans s’arrêter jusqu’à chez lui (3).
De l’argent dans le puits
On raconte que dans une maison de Camagüey, se trouvait un puits sous le salon. Une vieille femme qui vivait là-bas, affirmait qu’elle entendait des lamentations et des plaintes qui sortaient d’une armoire aussi ancienne que la maison. Une nuit, elle entendit une voix qui l’obligea à chercher l’argent qui se trouvait sous la maison. Après un conseil de famille où des idées divergentes s’exprimèrent, on finit par casser le sol du salon, et à l’issue de cette exploration, on récupéra de vieux doublons espagnols (4).
L’homme qui enterra les pots
Ce récit parle de Juan Pérez et d’un fantôme qui lui indiqua un lieu où étaient enterrées des cruches. Elles contenaient un trésor à partager entre lui et ses sœurs. Mais lorsque le jeune Juan déterra le trésor, il ne voulut pas le partager avec elles. Peu de temps après, il commença à ressentir de terribles douleurs dans tout le corps. Le pauvre homme était comme enragé, se tordait de douleur et passait ses nuits à hurler. Il se repentit et fit venir ses sœurs pour leurs raconter ce qui s’était passé, les implora d’emporter les cruches, mais elles refusèrent. On ne sait pas encore si c’est par peur ou par vengeance. Quoiqu’il en soit, il continua de ressentir ces terribles douleurs jusqu’à ce qu’il en meurt peu de temps après. On raconte que son fils récupéra les cruches et les enterra de nouveau, parce qu’il ne voulait pas s’embarrasser de « l’argent d’un mort » (5).
Des pas dans la maison
Dans certains lieux de la province de Camagüey, on racontait des choses au sujet d’un vieil homme qui vivait dans une maison à la campagne appartenant à la propriété du « Cascarón » (la Coquille). Cet homme affirmait que la nuit on y entendait des bruits bizarres. Une porte grinçait et quand elle s’ouvrait des pas continuaient jusqu’à la cuisine, où de grands bruits de marmites et d’ustensiles retentissaient. Quand ce phénomène parvenait à réveiller les habitants, ces derniers voyaient une lumière qui voyageait depuis la cuisine jusqu’au fromager voisin. Avec le temps quelqu’un de la famille prit la décision de creuser et découvrit de l’argent enterré. Ce qui était sûrement la volonté du revenant, vu qu’après cette trouvaille, il ne dérangea plus personne (6).
Notes :
(1) Sociología de la esperanza.Henri Desroches. Ed Herder, Barcelona, 1976, p73.
(2) Mitología cubana. Samuel Feijóo.Ed Letras Cubanas. Ciudad de la Habana, Cuba.1986.p6.
(3) Ibidem, p 416.
(4) Ibidem, p 419.
(5) Cuentos de guajiros para pasar la noche.René Batista Moreno. Ed Letras Cubanas. La Habana. Cuba. Año 2007. 224-225.
(6) Diccionario de mitología cubana. Manuel Ribero Glean y Gerardo Chávez Spínola. Ed Aduana Vieja. Grupo Publibería.Valencia. España. 2010. P 59.
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