“Bout de bois du bateau qui a fait naufrage, / pierre roulant sur elle-même,/ âme souffrante errant seule / je suis les vagues des plages, sont les vers d’une profondeur philosophique inégalable qui semblent ébaucher la biographie non encore écrite de Bienvenido Julián Gutiérrez.

Ou il a peut-être fait son autoportrait dans ce son El huerfanito (Le petit orphelin) : Je n’ai ni mère ni père pouvant souffrir mes peines/ Je n’ai dans mon âme que tristesse et martyre / la douleur cruelle / de ne pas trouver une femme,/ une bonne femme,/ qui soulage les peines si grandes que j’ai dans l’âme / avec un amour tendre ”.

Il existe beaucoup de points obscurs dans l’histoire de sa vie, il y en a tant, que l’on doute encore qu’il soit né en 1900 ou quatre ans plus tard, mais l’on sait que ce fut un 22 mars et compte tenu du fait que probablement, il avait 18 ans quand il a composé son premier bolero. Ojeres (Yeux cernés), en 1922, l’on suppose qu’il est né en 1904.

De toutes les façons, nous préférons lui rendre hommage, prétendant que l’on fête le 120e anniversaire de sa naissance, à La Havane de celui qui était appelé à devenir un des plus grands auteurs de la chanson cubaine de tous les temps, sans avoir étudié la musique et sans savoir jouer aucun instrument.

Simplement, il est né avec le don de transformer les mots en musique précieuse qui transcende des modes et des époques, capable d’émouvoir les cœurs ou d’arracher un sourire, un siècle après l’avoir écrite.

Cette qualité innée a sûrement était nourrie avec le rythme du guaguancó, de la columbia et du yambú, interprétés par les dockers du port de la capitale, scénario sonore dans lequel il a grandi.

Bienvenido (Bienvenu en français) un prénom qui allait comme un gant, s’est fait connaître comme compositeur dans le groupe de guaguancó Los Roncos, dirigé par Ignacio Piñeiro, qui a voulu l’introduire dans son chœur de claves et qui y a renoncé car il a su apprécier son talent comme compositeur et conduire ses chansons sur la voie du succès.

Ses chansons ont aussi été interprétées par des chanteurs populaires de renommée de Cuba et d’autres pays d’Amérique Latine dont Abelardo Barroso; le Sexteto Habanero; Arsenio Rodríguez; Luisito Pla y sus Guaracheros, avec la participation de Senén Suárez; Francisco Raúl Gutiérrez Grillo et le Portoricain Johnny López; Miguelito Valdés; Panchito Ricet; Joseíto Núñez; Orlando Guerra, “Cascarita”; El Gran Combo, dans la voix de Pellín Rodríguez; Laíto Sureda; le trio de Servando Díaz; Pablo Milanés et bien d’autres encore.

Outre la chanson emblématique Convergencia (mise en musique par Marcelino Guerra Abreu, “Rapindey”),
Il a composé de très nombreuses chansons très populaires dont La ruñidera, Naranja de China, coles; El Cotelito; Ahora sí; Sensemayá; Echa un pie; Carmelina; Un brujo en Guanabacoa; Hagan juego; Tú no lo creas.

Il a à son actif aussi Azúcar pa’ un amargao; Peligrosa eres tú; No hace na’ la mujer; Con un solo pie; Los tres Juanes (faisant allusion aux pêcheurs qui ont retrouvé l’image de la Vierge de la Charité); le boléro Con reciprocidad, et La Fonda de Bienvenido.

Parmi ses œuvres figurent aussi Sobre las olas del Mar Caribe; Ok mi Mora; El diablo Tun Tun; Don Ramón; No lloraré; Con voluntad; El rápido; Adolorida; Con tu bata de Oyá; Bombolaye; Buen tumba’o; Candunga; Muñeca de vidriera; Cielo tenebroso; Donde va Chicha; No estamos más; Lo mismo; Renace; El encargado; Cabeza dura; Después de la herida; Por Regla; Mi penúltima canción; Adolorida; Cuando pienso en tus cosas; Di Margarita; Habitante; Cafecito; Pajarillo de aleros; Prefiero morir primero; Che Yené; Traigo un tumba’o; Ciego; Alza; El Gorrioncillo; El Gondolero; Mujercita; Contradicción; Cumbanchera cubana et bien d’autres encore.

Bienvenido Julián Gutiérrez s’est éteint de façon prématurée, le 10 décembre 1966, avec la même humilité et discrétion avec lesquelles il a vécu et composé des chansons.